Les passeurs de livres de Daraya, Delphine Minoui, éditions Points

Les passeurs de livres de Daraya

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Les passeurs de livres de Daraya, voilà un livre qui ne m’a pas laissé de marbre.

LE CONTEXTE

Daraya, ville de la banlieue de Damas en Syrie, a été la victime du régime autoritaire et meurtrier de Bachar al-Assad. Parce qu’ils ont voulu se faire entendre, défendre un nouveau système politique, critiquer celui du régime actuel, les habitants et les révolutionnaires pacifiques de la ville de Daraya ce sont attirés les foudres du régime. Pendant 4 longues années, la ville a été réduite à néant. Pendant ces 4 longues années, une quarantaine de jeunes ont voulu maintenir un semblant de vie normal, ont voulu créer un endroit de liberté, de débats, une parenthèse à l’horreur du quotidien. Pour cela, ils ont sauvé des décombres des milliers de livres, les ont rassemblés dans une bibliothèque clandestine souterraine, à l’abri des regards des soldats de Bachar. Eux qui n’étaient pas tous de grands lecteurs, ils ont trouvé du réconfort et une force dans les livres. Ces lecteurs, privés de parole, se sont réfugiés dans les mots.

Dans cette bibliothèque clandestine, des ouvrages aussi divers que variés étaient à disposition des habitants. Chacun devant, comme dans une bibliothèque “ordinaire”, en prendre soin et les ramener à une date convenue.

Cela peut paraître extraordinaire d’organiser une bibliothèque souterraine en temps de guerre, mais il s’agit en réalité d’une question de survie. Ne pas perdre la tête, ne pas perdre espoir. Elle leur permettait de toujours se sentir en vie malgré l’odeur et la menace de la mort qu’il y avait dans les rues de la ville.

LES TEMOIGNAGES

Delphine Minoui, grand reporter au Figaro, a pris contact avec Ahmad, Shadi, Hussam, Omar et les autres. Avec tous ces jeunes qui ont fait de cette bibliothèque un refuge pour les habitants de Daraya. Elle qui ne pouvait se rendre sur place pour voir la ville, pour rapporter les fléaux de la guerre, pour découvrir la bibliothèque, elle a souhaité rester en contact avec eux, et faire son travail de journaliste à distance. Régulièrement, elle s’informait de leur situation, de leur démarche, de la vie de la bibliothèque à coup de visio Skype ou WhatApps, quand les connexions internet le leur permettaient. Elle les a suivis par écran interposé depuis Istanbul, son lieu de résidence, les a écoutés, a partagé avec eux leurs histoires, leurs souffrances.

La retranscription de ces témoignages est extrêmement précise et magnifiquement écrite. Son excellent travail de reporter allié à son écriture parfaite, sublime encore plus le livre.

ET LA SUITE ?

Les passeurs de livres de Daraya ne traite évidemment pas seulement de la bibliothèque, mais de la guerre et ses atrocités. Au fil des pages, nous lisons la destruction progressive de Daraya.

Et la communauté internationale dans tout ça ? Aveugle. Rien. Que dalle. C’est à gerber d’inhumanité, c’est affligeant.
Et nous, que pouvons-nous faire à notre échelle ? Honnêtement, je n’en sais rien du tout. Donner aux aides humanitaires ? Pourquoi pas, mais les denrées alimentaires et les médicaments sont souvent confisquées par le régime. Je n’en sais rien, et c’est bien ça le problème, l’ignorance. L’ONU pourrait changer les choses, si elle le voulait…

Après la lecture du livre, j’ai été voir sur Google Sat à quoi ressemble Daraya aujourd’hui. Il n’y a rien, que des ruines, que du gris. La ville a été rayée de la carte par la volonté d’un homme, un ophtalmo amoureux des livres (un vrai paradoxe).

POURQUOI CE LIVRE EST ESSENTIEL ?

Parce qu’il est un témoignage précieux de la guerre en Syrie, ou les journalistes ne peuvent plus aller. Il fait preuve de l’horreur de la guerre, des attaques chimiques et met en évidence l’ignorance de la communauté internationale. Il est nécessaire, car il donne la parole à des combattants pacifiques, des jeunes, des vieux, des habitants, des victimes.

Il est nécessaire, car il permet de prendre conscience des atrocités commises là-bas. Il fait réagir, bouscule et m’a foutu clairement la rage. Il m’a révolté, ému, fait réfléchir.

Je ne suis pas sortie indemne de la lecture du livre de Delphine Minoui et je la remercie pour ça. Bravo à elle pour son travail. Je ne trouve pas de mots assez forts pour Ahmad, Shadi, Hussam, Omar et les autres. Je ne saurais quoi leur dire, les mots peuvent être tellement futiles. Je les admire évidemment, mais j’ai honte d’être aussi éloignée de leurs vies que je ne peux comprendre, juste essayer d’imaginer. C’est absurde, je tiens néanmoins à les remercier d’avoir échangé avec Delphine Minoui, car cela nous permet de découvrir, un peu, la réalité syrienne.


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