Le ghetto intérieur, Santiago H. Amigorena, Folio

Le ghetto intérieur

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L'HISTOIRE

Vicente Rosenberg quitte sa Pologne natale en 1928 pour Buenos Aires, laissant sa mère, son frère et sa sœur. Il part, car il ne se sent pas Polonais, pas Juif, rien de tout cela. Il quitte ce pays et commence une nouvelle vie en Argentine où il rencontre Rosita avec qui il fondera une famille et trouvera un travail grâce à son beau-père. Très élégant, d’une grande éloquence, il ne passe pas inaperçu. Il aime passer des moments avec son ami d’enfance Ariel, et Sammy rencontré à bord du bateau qui les emmenaient en Argentine.

Sa mère, restée à Varsovie, lui écrit souvent et lui demande de ses nouvelles qu’il ne donne pas régulièrement. Il le dit lui même, il a fui ce pays et cette famille qu’il n’a pas vraiment chercher à faire venir avec lui.

Au moment où la guerre éclate, les nouvelles de sa mère se font de plus en plus rares. Et l’inquiétude et la culpabilité montent inévitablement dans la tête de Vicente. Que se passe-t-il là-bas ? Les nouvelles données par les journaux internationaux, qui arrivent souvent avec des semaines de retard à Buenos Aires, ne sont pas claires. Alors, envahi par ce sentiment d’impuissance et de culpabilité, il va se murer dans le silence, son ghetto intérieur.

MON SENTIMENT

Ce livre est d’une grande importance car il développe plusieurs points.

L'identité

Qui suis-je ? Pourquoi les gens me considèrent comme Juif alors que je ne suis pas croyant ? Suis-je ce que les gens font de moi ?

Vicente dit : “Pourquoi jusqu’aujourd’hui j’ai été enfant, adulte, polonais, soldat, officier, étudiant, marié, père, argentin, vendeur de meubles, mais jamais juif ? Pourquoi je n’ai jamais été juif comme je le suis aujourd’hui – aujourd’hui où je ne suis plus que ça.” (page 67).

L’auteur continu : “L’une des chose les plus terribles de l’antisémistisme est de ne pas permettre à certains hommes et à certaines femmes de cesser de se penser comme juifs, c’est de les confiner dans cette identité au-delà de leur volonté – c’est de décider, définitivement, qui ils sont.” (page 68).

Cette question identitaire est centrale et va peser sur la vie de Vicente. Se sentant loin du judaïsme, il va peu à peu être amené, malgré lui, à se sentir appartenir à la communauté juive, non pas de son fait, mais parce que l’Histoire ne lui en a pas donné le choix. Être solidaire des atrocités subies par les Juifs en Europe devient une évidence, comme de se revendiquer être Juif.

La culpabilité

Comment comprendre l’incompréhensible ? Pourquoi suis-je ici, alors que là-bas, ils meurent ? Pourquoi n’ais-je pas ramené ma famille avec moi ? Pourquoi je vis ?

Cette culpabilité est légitime et je pense qu’elle ne peut pas être prise comme une chance. Je m’explique : le choix que Vicente a fait en quittant la Pologne lui a sauvé la vie. Evidemment, il ne pouvait pas se douter de ce qui allait se passer. On pourrait dire qu’il a eu de la chance, mais cette “chance” va le détruire. Comment peut-on continuer à vivre normalement lorsque l’on sait, ou plutôt que l’on ne sait pas ce qu’il se passe exactement pour les siens ? Comment peut-on continuer à vivre normalement alors que sa famille souffre, a faim, et est peut être confrontée à bien pire ? On ne peut pas. On ne peut pas faire semblant que tout va bien. On ne peut pas. La réaction de Vicente de se murer dans le silence est peut-être irrationnelle, mais c’est la sienne. Arrêter de parler, c’est aussi arrêter d’échanger avec les autres, arrêter toute vie sociale. Il reste dans son silence, comme pour répondre au silence de sa mère qui ne lui écrit plus, comme pour ne pas à avoir à penser à l’inimaginable.

Beaucoup de personnes ayant vécu la déportation, et la guerre en générale, ont refusé de parler après. Le traumatisme était trop grand. Certaines familles d’ailleurs, ne connaissent pas leur histoire “à cause” de ce silence. Peut-on leur reprocher ? Bien sûr que non. Comment aurions-nous réagi à leur place ? Mais le devoir de mémoire est important.

Le devoir de mémoire

Des textes comme celui-ci, comme Si c’est un homme de Primo Levi ou Maus d’Art Spiegelman sont essentiels. Nous devons savoir, nous devons comprendre, nous ne devons jamais oublier. Malheureusement, le temps et la bêtise de certains relativisent ce génocide. L’antisémistisme est toujours présent, parfois en recrudescence dans certains pays.

En France, aujourd’hui, l’Islam est vicitime d’attaques ignobles de la part de certains. Parce qu’il ne s’agit pas de la même religion, les discours haineux sont-ils plus audibles ? Evidemment non. C’est abject, horrible, dénué d’humanité. C’est gerbant, ça me fout la rage.


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