Je suis toujours vivant
Grande fan de Gomorra, le livre, le film et la série (surtout la série), de lecture et de bd, je ne pouvais passer à côté de Je suis toujours vivant de Roberto Saviano et Asaf Hanuka.
Depuis le succès de Gomorra, la vie de Roberto Saviano est en suspens, mise à prix par la Camorra. Trop parler, trop en dire n’est pas au goût de la mafia napolitaine. Le silence est d’or et la vie à un prix, celle de vivre comme un prisonnier depuis plus de quinze ans. Ne plus pouvoir sortir seul, marcher tout simplement dans la rue sans garde du corps, ne plus s’autoriser à aller boire un verre avec des amis, ne plus pouvoir tomber amoureux, ni aller et venir à sa guise. Ne plus avoir de “chez soi”, être en permanence sur le qui-vive, faire fouiller chaque pièce, chaque lieu avant de s’y installer pour quelque temps. Être à l’afflux du moindre bruit, de chaque geste qui peuvent paraître suspects. Ne plus vivre normalement.
La vie prend également un autre tournant sur les réseaux sociaux. Briser l’omerta n’est pas sans conséquence, même derrière un écran. Les insultes et la haine font partie du quotidien de l’auteur et sont des violences de plus à affronter. Peut-être même les pires pour lui, celles envoyées par des anonymes, des inconnus qui s’acharnent gratuitement pour le clan.
Ce qui est intéressant dans cette bande dessinée, c’est de comprendre comment s’est forgé le caractère de Roberto Saviano, à travers des vignettes racontant son enfance, son adolescence, sa vie d’avant. Comment et quand a-t-il décidé de parler et pourquoi. Parce qu’il est évident que d’avoir le courage d’affronter la Camorra n’est pas donné à tout le monde. De se confronter à cette pieuvre si puissante, si dévastatrice et meurtrière relève de… je n’en ai aucune idée en fait. Je ne sais pas. J’admire cela, j’essaie de comprendre, mais je n’y arrive pas. Pourrais-je mettre ma vie de côté, ne plus voir mes proches pour défendre une cause ? Honnêtement, je ne crois pas. J’en sais rien, et j’espère ne jamais le savoir. Roberto Saviano, Salman Rushdie (dont on parle aussi dans la bd) et tant d’autres, paient et ont payé le prix de leur courage : celui de ne plus vivre comme tout le monde. C’est bouleversant.