L'art de fuir, Alice Goffman, éditions Seuil

L’art de fuir

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L’art de fuir, mais fuir quoi ?

La police, les membres de gangs rivaux, les femmes, les amantes, la famille. Toujours être obligé de fuir quelque chose ou quelqu’un pour (sur)vivre dans le ghetto. Toujours être sur le qui-vive, regarder derrière soi, observer les allées et venues, les voisins, les amis, les attitudes des uns et des autres pour savoir qui a balancé qui.

Défaire des relations amicales et amoureuses par suspicion, s’en créer d’autres pour s’assurer une protection.

Se faire choper par la police, être arrêté, avoir un mandat sur le dos que l’on ne peut pas payer, être relâché, surveiller ses arrières de peur d’être arrêté de nouveau. Se priver de soins médicaux, de travail ou de toutes choses fondamentales, voir vitales, de peur d’être arrêté de nouveau sous n’importe quel prétexte.

Voilà la vie des habitants du quartier ou Alice Goffman a enquêté pendant 6 années : un quartier pauvre de la banlieue de Philadelphie, frappé par la misère, la pauvreté, les trafics en tout genre et les violences que cela implique (violences entre les gangs et violences policières).

La police est partout et la menace d’être incarcéré un jour est constante. Les habitants vivent avec ça, apprennent à grandir et à se construire avec ça, car ils le savent, le système judiciaire et policier ne les lâchera pas. C’est comme ça que ça se passe dans les quartiers pauvres.

DES CHIFFRES QUI FONT FROID DANS LE DOS

Quelques exemples chiffrés représentatifs des inégalités dont sont victimes les personnes noires aux Etats-Unis :

 

– les noirs représentent 13% de la population américaine, mais 37% de la population carcérale

– 1 jeune noir sur 9 est en prison contre moins de 2% de jeunes blancs

– 30% des hommes noirs non diplômés ont purgé une peine de prison avant l’âge de 35 ans

– 1 enfant noir sur 4 né en 1990 a vu son père emprisonné vers l’âge de quatorze ans

Alice Goffman a fait un travail sociologique incroyable. Elle a tout observé, tout noté, tout chiffré. Son livre est un témoignage fort de ce qui se passe depuis trop longtemps dans les ghettos noirs américains. L’égalité des chances n’existe pas. Si vous êtes nés là, que vous avez la peau noire, vous serez confrontés à beaucoup plus de difficultés qu’une personne vivant dans une banlieue blanche et cossue. En France, nous observons aussi ce phénomène, mais de façon beaucoup plus mesurée.

DES OBSERVATIONS PERCUTENTES

Alice Goffman rapporte des témoignages forts, analyse avec précisions tout ce qu’il se passe au sein du quartier comme par exemple :

– l’organisation de la vie dans le ghetto

– les pressions policières et judiciaires

– les relations amoureuses et familiales

– la place et le rôle des femmes dans la vie des hommes incarcérés

– la vie carcérale et les relations avec l’extérieur

Son enquête est précise et précieuse pour comprendre la vie des habitants, son immersion est essentielle pour s’apercevoir qu’au pays des Libertés, les inégalités entre les communautés sont reines !

C’est effroyable de constater cela en 2020.


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